Actes du colloque "Création et gestion d'une Unité Touristique de Pleine Nature"®
 
THEME II « ACTIVITES DE PLEINE NATURE, RESPONSABILITE, COMMERCIALISATION »

"La responsabilité des maires en matière d'activités de pleine nature. L'état actuel du droit et de la jurisprudence" par Francis CARLE, magistrat
"L'approche transversale des activités de pleine nature et ses conséquences sur la mise en marché de produits de loisirs sportifs" par Dominique GIARD, Service d'étude et d'aménagement touristique de la montagne (SEATM)
"La réglementation locale de l’escalade et du canyoning prise par les maires et les préfets au titre de leurs pouvoirs de police générale" par Arnaud PINGUET, secrétaire général du Conseil Supérieur des Sports de Montagne
"Les problèmes de l'élu, gestionnaire de site naturel face aux activités de pleine nature » par Jean-Pierre VERDIER, adjoint au Maire, délégué aux affaires sportives de la mairie de Chamonix .
j Questions et commentaires
Premier intervenant (ne se présente pas)
Représentant de la Ligue Protectrice des Oiseaux (LPO)
Rémy NOEL Parc national des Cévennes et président de l'Association Horizons Parcs Nationaux
Charles DENICOURT, président de l'Agence Méditerranéenne de l'Environnement
Gilles PANET, Comité Régional du Tourisme (CRT) du Languedoc-Roussillon
Ginette GARRIGUE membre du SIVU, propriétaire d'une partie du terrain dans les Gorges du Chassezac
Michel ROCHE, Comité Départemental de la Randonnée Pédestre (CDRP) de Lozère

Jean-Louis VERDIER, adjoint au maire, délégué aux affaires sportives, mairie de Chamonix, les problèmes de l'élu, gestionnaire de site naturel face aux activités de pleine nature : le cas de Chamonix Mont-Blanc

Outre la grandeur et la beauté des sites et paysages, la commune de CHAMONIX doit une grande partie de sa notoriété à l'ampleur et à la qualité des activités sportives et touristiques qui s'y sont développées.

Alpinisme, escalade, promenade en fond de vallée, randonnée en moyenne montagne, ont fait la renommée de CHAMONIX et continuent à attirer un nombre important de touristes.

Rappelons à titre d'illustration que la ville accueille environ 4 millions de nuitées touristiques par an, avec un certain équilibre entre saison d'été et d'hiver. L'hiver a en effet pris progressivement un poids de plus en plus important dans la fréquentation de la station. Sur cette saison, outre le développement du ski alpin ou du ski de fond, se sont peu à peu développées des activités dites de pleine nature, telles que le ski hors piste, le ski de randonnée, l'alpinisme hivernal avec le développement récent de la pratique de la cascade de glace, la raquette à neige.

Compte tenu des enjeux attachés à ces activités, dites de pleine nature, la commune de CHAMONIX, responsable de l'aménagement de son territoire, mais également responsable de la sécurité des personnes et des biens sur ce territoire, a adopté une attitude différenciée selon les lieux d'exercice de ces activités.

Activités se développant sur des espaces aménagés

J'entends, par-là, les activités telles que promenade en fond de vallée, randonnée en moyenne montagne, vélo tout terrain, escalade sur site-école, qui nécessitent un support pour leurs exercices, que ce soit le sentier, ou l'équipement d'un site d'escalade.

Sur ces thèmes, le principe retenu est celui de l'intervention pleine et entière de la commune pour procéder aux aménagements nécessaires : création de nouveaux itinéraires, l'entretien de l'existant, signalisation et sécurisation des espaces dans lesquels le public est appelé à évoluer.

Si l'on prend, en premier lieu, les sentiers de randonnée qui représentent un linéaire d'environ 350 km sur la commune, leur gestion est assurée par un service communal (Service Pistes et Sentiers) qui compte en moyenne 15 personnes à l'année, soit une charge financière annuelle de fonctionnement d'environ 7,6 M.F. pour le personnel et les moyens.

Ces agents ont, en été, la responsabilité de l'entretien des sentiers, la reprise des matériels en place (échelles... ), leur balisage, leur sécurisation, les interventions sur les ponts et passerelles, voire les travaux de création ou de modifications d'itinéraires. En hiver, ces équipes ont en charge pour l'essentiel la gestion (damage, balisage) des pistes de ski de fond et des sentiers piétonniers hivernaux. Ils interviennent également pour de grandes manifestations telles que les compétitions de ski, de saut à ski.

Ces équipes travaillent bien entendu dans un esprit de concertation avec l'ensemble des partenaires localement intéressés, que ce soit l'Office du Tourisme, les guides, les accompagnateurs de moyenne montagne, l'O.N.F..., ceci dans le cadre d'une Commission municipale des Sentiers de Montagne qui dans sa réunion du printemps, définit le programme de travaux d'été sur sentiers, et dans sa réunion d'automne, outre le bilan de la saison, prépare les éléments nécessaires au budget de l'année suivante.

A noter enfin, que ce poste « Sentiers de montagne » mobilise un budget d'investissement annuel moyen de quelque 200 000 F consacré à de la signalisation (actuellement en cours de réfection) et aux travaux conséquents à réaliser.

En second lieu, la commune compte un nombre important de sites d'escalade de fond de vallée ou de moyenne altitude, avec, pour ne citer que les plus importants : les Gaillands, le Chapeau, la Joux, l'Aveyron, les CHESERYS, le MONTENVERS.

Pour leur gestion, et compte tenu de l'obligation de sécurité à laquelle la commune se doit sur ces sites aménagés et ouverts au public, nous mobilisons d'une part des moyens financiers (depuis 5 ans, une enveloppe de 40 000 F est dégagée, destinée à financer du matériel, spits, gougeons, relais... ) et mobilise l'ensemble des partenaires intéressés (Compagnie des Guides, Ecole Nationale de Ski et d'Alpinisme (ENSA), Ecole Militaire de Haute Montagne (EMHM), voire même l'Union de Centres de Plein Air (UCPA) qui, conscients de l'intérêt touristique et sportif de ces sites, procèdent chacun sur des sites différents, à l'équipement, au rééquipement, à la purge de pierres...

La coordination des interventions se fait sous l'égide d'une commission « Sites d'escalade », lieu d'échanges sur les actions à conduire mais également lieu de débat sur des sujets tels que l'équipement, ou le rééquipement de voies d'altitude. Elle sera, à titre d'exemple, amenée à donner un avis sur un projet de « Via Ferrata » soumis à l'attention de la commune.

En conclusion, la commune de CHAMONIX s'efforce de contrôler son processus d'aménagement, d'assurer la sécurité des usagers sur les équipements mis à disposition. Bien entendu, la position est toute autre pour ce qui concerne les activités de pleine nature se déroulant en dehors des espaces aménagés.

Activités se développant sur des espaces non aménagés

Concernant ces activités telles que l'alpinisme, le ski hors piste, le ski de randonnée, la raquette... la commune a affirmé à diverses reprises son attachement aux principes de responsabilité et d'autonomie des pratiquants. Nous considérons en effet que le choix d'évoluer sur des secteurs par définition non balisés, non sécurisés, non aseptisés, suppose une volonté préalable exprimée par le pratiquant. C'est en effet à lui de décider de s'engager ou non sur un itinéraire en prenant en compte un certain nombre d'éléments tels que son propre niveau technique, l'encadrement dont il dispose, les risques objectifs identifiés, l'information météorologique... Nous considérons en effet que doivent être préservés des espaces, des pratiques où les principes de responsabilisation et d'autonomie doivent primer, où l'assistance et la dépendance à l'égard de l'autorité publique doivent être mises de côté.

La commune a eu récemment l'occasion de rappeler son attachement à ces principe.

En septembre 1998, la voie normale du Mont-Blanc plus particulièrement au niveau de l'Arête des Bosses est devenue particulièrement exposée, en glace vive. Quelques 14 personnes ont alors trouvé la mort, en dévissant sur ce qui est habituellement considéré comme un itinéraire techniquement peu difficile (cf. Guide Vallot).

Sous évaluation du risque (pour autant qu'il soit connu), surestimation des capacités techniques, expliquent la majeure partie de ces accidents. Certaines voix se sont alors élevées vainement pour que, par la voie réglementaire, la commune interdise au public d'emprunter cet itinéraire. Mais, outre le fait qu'une telle mesure allait à l'encontre du principe de la liberté d'évoluer dans les zones d'altitude, principe auquel tout montagnard est attaché, une telle décision aurait renforcé la dépendance du public à l'égard de l'autorité administrative, supposée être à même de qualifier ce qui est dangereux et ce qui ne l'est pas. Cette décision aurait méconnu les écarts existants entre les niveaux techniques des pratiquants dans leur capacité à affronter de telles situations.

Cette position a prévalu au cours de l'hiver 1999 quand, compte tenu des risques d'avalanches identifiés, le préfet de Haute-Savoie a pris un arrêté interdisant la pratique du ski hors piste sur une grande partie du département, dont CHAMONIX. Cette décision prise sans aucune concertation avec les communes, a immédiatement suscité une vive émotion parmi tous les professionnels de la vallée (guides, moniteurs, gestionnaires de domaines skiables ... ). Toute personne fréquentant la montagne en hiver sait que le risque ne peut être considéré comme uniforme sur un territoire aussi vaste, tel celui de la commune de CHAMONIX. Ce risque dépend de multiples facteurs tels que la pente, l'exposition, le vent, l'histoire du manteau neigeux... Une telle décision méconnaît en outre le niveau technique des pratiquants. De plus, prendre une telle mesure conduit l'autorité administrative à intervenir de façon automatique, dès que des conditions analogues se reproduisent. Que se passera-t-il, en cas d'accident, si aucune mesure réglementaire restrictive n'est été prise ?

Outre qu'elle méconnaît les risques propres à la montagne, une telle mesure nous semble constituer un fâcheux précédent. Après une discussion serrée, la commune a pu obtenir du préfet que le champ d'application territorial de cet arrêté soit réduit, pour CHAMONIX, aux seules zones où les risques de déclenchement d'avalanche, induits par la pratique du ski hors piste, sont susceptibles d'affecter des zones habitées ou des voies de circulation ; la liberté d'évoluer dans les espaces naturels trouvant sa limite dans le risque que l'on est susceptible de faire courir à autrui. Par la suite, et malgré quelques appels à la reconduction de telles mesures, la commune a refusé de les mettre en œuvre, étant toutefois entendu que ces principes essentiels de responsabilité et d'autonomie trouvent leur corollaire dans les efforts consentis en matière d'information et de soutien aux services de secours.

Evoluer en sécurité en zone de montagne suppose bien entendu de disposer des techniques, des matériels nécessaires mais également des informations sur les conditions de la montagne le jour donné. Développer l'information préventive des pratiquants tant en hiver qu'en été, c'est la vocation de l'Office de Haute Montagne (OHM) créé en 1972 sur l'initiative de Gérard DEVOUASSOUX. L'OHM, situé dans la Maison de la Montagne, est un lieu où chacun peut venir chercher des informations sur les conditions de telle ou telle course, venir obtenir des conseils.

Trois personnes, prises en charge par la commune (budget annuel de fonctionnement: 350 000 F), sont continuellement à disposition du public. L'OHM est visité annuellement par 50 000 personnes environ. La commune a récemment voulu aller plus loin, et a souhaité diffuser plus largement l'information dont dispose l'OHM.

C'est l'objectif des « Lundis de l'information », séances d'information des estivants organisée en coopération avec l'Office du Tourisme, le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM), la Compagnie des Guides et l'OHM. Des données sur la station, sur les conditions des courses classiques, sur les risques météorologiques sont fournies. Ces séances n'ont, à ce jour, rassemblé que peu de monde, mais nous entendons poursuivre l'expérience en développant l'information des estivants sur leur existence.

C'est également l'objectif d'un programme de coopération transfrontalière développé avec nos voisins du Val d'Aoste et du Valais avec le soutien des financements européens. Ce programme a tout d'abord donné lieu à la création d'un site Internet (www.ohm-chamonix.com) où sont mises en ligne toutes les informations dont dispose l'OHM, ces informations devant être prochainement complétées par les données propres à l'Italie et à la Suisse. Ainsi, toute personne désirant se rendre à CHAMONIX pour y faire une course pourra connaître l'historique des conditions nivo météorologiques, voire l'historique des courses effectuées, ainsi que des informations sur les refuges ouverts, les remontées mécaniques, les dispositions réglementaires particulières, des conseils sécuritaires, des conseils médicaux.

La création de ce site nécessitera vraisemblablement la mise en place d'un poste supplémentaire à l'OHM, pour être en mesure de répondre aux demandes de renseignements. La commune est prête à dégager des moyens supplémentaires pour développer l'information du public. Ce souci d'information du public trouvera prochainement son expression dans l'extension à la Suisse et à l'Italie du plan en relief du Massif du Mont-Blanc mis à la disposition du public dans les locaux de l'OHM, ceci pour que le public ait une vision complète du massif dans lequel il entend faire une course. Un support de présentation analogue sera en même temps réalisé pour être installé à la Maison des Guides de COURMAYEUR.

Au delà de l'information préventive, et compte tenu de l'ampleur des moyens à mobiliser, la commune a développé des efforts importants en faveur de l'assistance et du secours en montagne. De longue date, le secours en montagne sur le Massif du Mont-Blanc et les massifs limitrophes (Aiguilles Rouges, Val Montjoie .. ) sont assurés par les services publics relevant de l'État, que ce soit la Sécurité Civile ou la Gendarmerie Nationale pour les matériels, le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne pour le personnel. De longue date également, la Ville de CHAMONIX soutient ces services publics en finançant l'acquisition des matériels nécessaires aux opérations de secours, les travaux de recherche réalisés en matière de perfectionnement de ces matériels, en matière de médicalisation du secours.

De façon plus récente et compte tenu, d'une part de la vétusté des locaux de l'héli station du secours en montagne des Bois, d'autre part du volume des opérations réalisées (plus de 800 interventions héliportées en moyenne par an), la commune a décidé de réaliser une Droping Zone (DZ) fonctionnelle, parfaitement adaptée aux besoins des secouristes, des médecins du secours, à l'accueil des familles, de la presse...

Ce programme, opérationnel depuis décembre, réalisé sous maîtrise d'ouvrage communale, à un coût de quelque 11,5 Millions de Francs. Il a pu bénéficier de financements européens (INTERREG), du Ministère de la Défense et de la Région Rhône-Alpes, la part restant à la charge de la commune étant de quelque 5 Millions de Francs. Encore une fois, les moyens mobilisés sont importants, mais il en va de la qualité du service public du secours en montagne dans le Massif du Mont Blanc auquel, à côté de l'information préventive, nous attachons la plus grande importance.

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